Les singes de la sagesse : une fable instructive pour notre monde
Les singes de la sagesse (aussi appelés « les trois petits singes ») est un symbole d’origine asiatique constitué de trois singes, dont chacun se couvre une partie différente du visage avec les mains : le premier les yeux, le deuxième les oreilles et le troisième la bouche. Ils forment une sorte de maxime picturale ou sculpturale que l’on peut traduire par : « Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire ». On l’attribue à une expression de la sagesse chinoise qui remonte à Confucius. Elle fut très tôt relayée par la pensée et l’art japonais. Et cette maxime fut notamment prise pour devise par Gandhi, qui gardait toujours avec lui une petite sculpture de ces trois singes. Selon le contexte et l’histoire, plusieurs interprétations, assez différentes et quelques fois contradictoires, ont été données à cette figuration. Dans la philosophie orientale, la figure du Yin et du Yang invite à trouver une chose et son contraire dans un même cadre. Ainsi, après des amalgames divers et variés, on peut interpréter comme ceci : « Ne pas vouloir voir ce qui pourrait poser problème, ne pas vouloir entendre pour pouvoir faire ‘comme si on ne savait pas’, et ne rien vouloir dire de ce que l’on sait pour ne pas prendre de risque » .
Devant les situations souvent désastreuses des enfants, des femmes et des hommes dans notre monde, ce pourrait être une sorte de fable instructive. Tout d’abord les yeux fermés de notre aisance et de notre confort sur le spectacle du monde. Certes, à côté de très belles choses à contempler sur cette petite planète, comme la nature, les progrès et exploits utiles à l’humanité, les productions humaines du beau, du bien et de l’utile, il faut reconnaître que le spectacle de notre terre n’est pas toujours beau à voir. La faim, l’exploitation des plus pauvres et des plus démunis, les mauvaises situations de la santé, de l’instruction, de la culture, les conflits et les guerres et les exactions de tous genres causées et souvent organisées par un système financier, économique et politique, provoquant des catastrophes environnementales et sociales, ici, bien sûr chez nous, mais surtout dans les pays en développement.
Ensuite, les oreilles fermées aux appels et paroles de nos semblables pour plus de justice, de reconnaissance des droits de chacun, enfant, femme, homme, dans le cercle familial, dans la sphère du travail, dans le développement de toutes les réalités humaines, matérielles, culturelles et spirituelles. Combien de cris de douleurs, et combien aussi d’appels de personnes et de communauté qui proposent des solutions de grandissement et d’espoir, et qui restent paroles dans le désert d’une humanité sourde !
Et enfin, les bouches qui se taisent, quand il y a tant à dire pour dénoncer la pauvreté, les injustices, les exploitations humaines et environnementales de tous genres ; quand il y a tant à faire pour proposer des solutions audacieuses, mais non irréalistes, et qui nécessitent de faire entendre des voix à l’encontre de la fatalité et pour s’opposer haut et fort à ces phrases d’impuissance et de fatalisme : « Il y aura toujours des pauvres, des riches, de l’injustice, des guerres, des souffrances, etc », ou encore : « On n’y peut rien, ça nous dépasse, on va laisser cela aux spécialistes, à ceux qui ont l’avoir, le savoir et le pouvoir » !
Il est du devoir de tout humain, à fortiori de tout chrétien, de lutter, pour soi-même et pour les autres, contre cette démission, cette absence de clairvoyance et cette négation de ses propres responsabilités, chacun à sa mesure. Comment avoir de la foi et de la charité, si on n’a pas d’espérance ? Une lecture attentive de la dernière exhortation apostolique du pape François nous y engage. Comment ? En prenant connaissance de toute l’actualité ponctuelle, et aussi celle qui malheureusement est durable ; en regardant les efforts d’un grand nombre de personnes par le monde qui prennent leur destin en main et celui de leurs communautés ; en écoutant les propositions de participation à l’aide, pour que cela aboutisse, en prenant part avec notre parole, mais aussi nos actes, y compris une partie de nos richesses, spirituelles, intellectuelles, et financières !
Jean-Michel Lastennet, Billet des 30 et 31 janv 2014. Les billets hebdomadaires de Jean-Michel Lastennet consacrés à la géopolitique du développement, solidarité avec les pays du Sud et de l’Est, sont diffusés sur Radio Rivages, les jeudis à 18h25, rediffusion le vendredi suivant à 07h20. Durée 3 min