Billet hebdomadaire de Jean-Michel Lastennet consacré à la géopolitique du développement : solidarité avec les pays du Sud et de l’Est. Diffusé sur Radio Rivages, tous les jeudis à 18h25, rediffusion le vendredi suivant à 07h20. Durée 3 min
D28 : Vote de la réforme bancaire au Sénat : une victoire de la transparence
A l’heure où les affaires de scandales de fraude financière et d’évasion fiscale font la une des médias, et où l’on parle, enfin dans les détails, de ce phénomène généralisé de l’utilisation des paradis fiscaux par les banques, les entreprises multinationales, les personnalités richissimes et les mafieux, il est bon de signaler des avancées d’une certaine transparence dans les mouvements cachés des flux financiers. En effet, le 21 mars dernier, au cours de l’examen de la réforme bancaire en France, le Sénat a été encore plus ambitieux que l’Assemblée nationale en matière de transparence financière pays par pays, en adoptant un amendement qui ajoute de nouveaux critères à cette disposition de clarté.
En première lecture, les députés avaient déjà intégré l’obligation pour les banques françaises de publier pays par pays la liste de leurs filiales et activités en France et à l’étranger – souvent dans des paradis fiscaux – ainsi que leur chiffre d’affaires et le nombre d’employés. Le Sénat et allé encore plus loin, en exigeant aussi la publication de leurs bénéfices, de leurs impôts et de leurs subventions. Cette mesure permettra de détecter non seulement les territoires qui abritent d’éventuelles filiales fantômes, mais surtout les transferts artificiels des bénéfices depuis les pays à fiscalité normale vers les paradis fiscaux, où la fiscalité est insignifiante, voire nulle. Si ces dispositions vont jusqu’à leur terme, en particulier lorsque les députés vont les examiner en deuxième lecture, dans les semaines qui viennent, les banques devront désormais payer des impôts là où elles ont des activités réelles et réalisent des bénéfices. Et l’on pourra alors dire, que le temps de l’opacité et du secret bancaire sera révolu. Le premier pas franchi par l’Assemblée Nationale a permis une percée au niveau européen. Le Parlement et le Conseil de l’Europe ont en effet trouvé un accord en faveur de la transparence pays par pays des banques dans la Directive CRD 4, par de nouvelles propositions sur les exigences de leurs fonds propres. Le vote du Sénat permet à la France de rester pionnière dans ce domaine puisqu’elle sera la première à se doter d’un dispositif concret en la matière.
Reste maintenant à élargir à d’autres secteurs que les banques cette mesure de transparence pays par pays pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale en France comme dans les pays du Sud. Cela concerne bien sûr les entreprises transnationales, et toutes les sociétés et les personnes physiques ou morales qui investissent dans d’autres pays ou qui spéculent sur les flux financiers. On ne peut, à cet égard que se réjouir de l’opération Offshore Leaks menée par de grands médias français et étranger, qui met en lumière l’architecture financière des paradis fiscaux, utilisée sans distinction par les hommes politiques corrompus, mais aussi et surtout par de riches particuliers et des directeurs financiers de multinationales. Elle a pour but de mettre fin aux sociétés écrans, d’exiger des intermédiaires financiers – banques ou autres – de divulguer au fisc les noms des contribuables détenteurs de comptes à l’étranger, et de cibler véritablement les utilisateurs des paradis fiscaux, en particulier les entreprises multinationales, qui fondent leurs fraudes sur une armée d’avocats spécialisés, de fiscalistes et de sociétés de conseil et de service. L’industrie de l’évasion fiscale ne doit plus prospérer et enrichir tous les intermédiaires, en pénalisant et exploitant gravement aussi bien les Etats du Nord, qu’encore plus gravement les Etats du Sud. Alors, Mesdames et Messieurs les élu(e)s de France et d’Europe, merci pour votre courage, et encore un petit effort supplémentaire !